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Ninouch vie
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  • Ninouch envie ou Ninouch en vie. Terrassé par l'adresse en jonglage verbal de mes contemporains blogueurs, pris de remord d'avoir un jour abandonné l'écriture pour les sciences, présomptueux au point de penser que je suis encore capable de participer
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9 août 2006

Noé et le défilé de bateaux

bateau_mouche

Hier soir, pique nique sur les bords de Seine / scène tendance FNAC : occasion non manquée de comprendre mieux Noé, de lui formuler d'amers reproches puis excuses devant l'étendue flagrante des efforts qu'il consent pour moi. Ingrat !

Trois amis attendaient, nous arrivons. La conversation monte de deux crans soudainement, un cran en vélocité, un cran en sonorité. Je m'engage sur la voie(x) d'accélération, je m'intègre dans le flux. Quatre autres arrivent, s'engagent, atteignent rapidement la vitesse de circulation minimum.

M et Noé restent sur le côté, impuissant devant un tel défilé. Ils discutent quelque temps entre spectateurs.

Noé craque et va téléphoner à ses amis. Dans quelques jours, il part à Edimbra. Excuse exquise pour moi que je m'empresse de servir (Mais non, il ne vous déteste pas). De toute façon, pas le sujet. La conversation va trop vite pour que l'on s'intéresse aux auto stopeurs.

23 h : il insiste, nous partons, emmenant du même coup B. qui tourne en rond dans sa tête cette histoire toujours identique, chaque fois différente... inlassablement. Noé se tait. Il marche. Nous quittons B. devant la Salpétrière. La tragédie commence.

Rue de Seine de Prévert : Pierre, dis moi la vérité, question stupide et grandiose. Nous rejouons un acte manqué de cet émouvante scène de rue. Noé, met toi à ma place. Dilemme : qu'il ne vienne pas et le doute s'insinue dans les esprits amis (nous méprise-t-il ?) qu'il vienne et il reste condamné au silence, à la contemplation débouchant sur une implacable envie de s'enfuir.

Il était venu pour moi, je lui ai repproché d'être venu.

Ingrat.

Rue de Seine, Jacques Prévert

        Rue de Seine dix heures et demie

        le soir

        au coin d'une autre rue

        un homme titube… un homme jeune

        avec un chapeau

        un imperméable

        une femme le secoue…

        elle le secoue

        et elle lui parle

        et il secoue la tête

        son chapeau est tout de travers

        et le chapeau de la femme s'apprête à tomber en arrière

        Ils sont très pâles tous les deux

        l'homme certainement a envie de partir…

        de disparaître… de mourir…

        mais la femme a une furieuse envie de vivre

        et sa voix

        sa voix qui chuchote

        on ne peut pas ne pas l'entendre

        c'est une plainte…

        un ordre…

        un cri…

        tellement avide cette voix…

        et triste

        et vivante…

        un nouveau-né malade qui grelotte sur une tombe

        dans un cimetière l'hiver…

        le cri d'un être les doigts pris dans la portière…

        une chanson

        une phrase

        toujours la même

        une phrase

        répétée…

        sans arrêt

        sans réponse…

        l'homme la regarde ses yeux tournent

        il fait des gestes avec les bras

        comme un noyé

        et la phrase revient

        rue de Seine au coin d'une autre rue

        la femme continue

        sans se lasser…

        continue sa question inquiète

        plaie impossible à panser

        Pierre dis-moi la vérité

        Pierre dis-moi la vérité

        je veux tout savoir

        dis-moi la vérité…

        le chapeau de la femme tombe

        Pierre je veux tout savoir

        dis-moi la vérité…

        question stupide et grandiose

        Pierre ne sait que répondre

        il est perdu

        celui qui s'appelle Pierre…

        il a un sourire que peut-être il voudrait tendre

        et répète

        Voyons calme-toi tu es folle

        mais il ne croit pas si bien dire

        mais il ne voit pas

        il ne peut pas voir comment

        sa bouche d'homme est tordue par son sourire…

        il étouffe

        le monde se couche sur lui

        et l'étouffe

        il est prisonnier

        coincé par ses promesses…

        on lui demande des comptes…

        en face de lui…

        une machine à compter

        une machine à écrire des lettres d'amour

        une machine à souffrir

        le saisit…

        s'accroche à lui…

        Pierre dis-moi la vérité.    

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